Monnaie et résilience

Pourquoi un chapitre sur la monnaie dans un site consacré à la résilience locale?

Tout simplement parce que l’argent est le « nerf de la guerre ».

Mais l’argent peut aussi être le nerf de la Paix.

Mais au fait, l’argent n’est-il pas un privilège régalien ? La monnaie n’est-elle pas créée par l’État sous le contrôle de la Banque Centrale, avec la garantie des tonnes d’or bien à l’abri dans les coffres du Trésor Public ?

Non.
Rien de tout cela n’est vrai.

Plus aucune monnaie n’est garantie par de l’or. Le dernier pays (les États-Unis) qui conservait ce système l’a quitté définitivement le 15 aout 1971. http://education.francetv.fr/matiere/economie/seconde/video/15-aout-1971-la-fin-du-systeme-de-bretton-woods

La monnaie centrale est certes toujours émise par la Banque Centrale, mais la monnaie que nous, les Agents Non-Bancaires, utilisons au quotidien, la monnaie qui figure sur nos comptes bancaires, provient d’une tout autre source.

Agents Non-Bancaires : tout ce qui n’est pas banque. À savoir entreprises, associations, collectivités locales, particuliers, ministères, État.

À l’exception des entreprises très particulières nommées banques (le nom officiel est « Établissements de crédit ») nous sommes tous des ANB.

Les Agents Non-Bancaires utilisent exclusivement et de plus en plus, pour quasiment toutes leurs transactions (virements, prélèvements, paiements par chèque, par carte, salaires, achats, ventes, dépenses courantes…) de la monnaie bancaire. Cette monnaie n’existe que sous forme scripturale sur nos comptes, ce sont de simples nombres totalement immatériels.

Ces nombres qui figurent sur nos comptes ne proviennent ni de l’État, ni de la Banque Centrale, ni des fonds propres des banques, ni des dépôts des épargnants.

La monnaie des comptes bancaires provient à 100% des banques elles-mêmes.

Explication

Quand une banque fait un crédit, acquiert un actif réel ou financier, des devises, des fournitures, paye ses salaires, bref, à chaque fois qu’une banque paye quelque chose, elle augmente simplement le solde de son fournisseur, de son salarié, de son vendeur ou de son client.

Cette information est bien entendu un renversement total de la plupart des idées que les personnes possèdent à propos de la création monétaire.

Bien entendu, ces mécanismes ont des conséquences considérables

– au niveau de la concurrence entre les banques et tout le reste de l’économie.

– au niveau des enrichissements potentiels respectifs des « établissements de crédit » et des ANB,

– au niveau des conflits d’intérêts entre d’une part des organismes qui ont le pouvoir de financer ce qu’ils désirent en amont de toute production réelle et d’autre part tout le reste des humains et des institutions qui doivent, eux, soit produire pour avoir le droit de recevoir la monnaie témoin de leur travail, soit lever des impôts pour financer les projets communs,

– au niveau de l’exercice de la démocratie et des moyens de financer ce qui a été décidé en commun

– au niveau des pays qui utilisent ce système et qui peuvent satisfaire tous leurs besoins en émettant leur propre monnaie, au détriment d’autres nations qui doivent vendre leurs productions ou leurs ressources pour accéder aux marchés internationaux où la monnaie dominante est indispensable…

Etc, etc.

Bien entendu, de telles conditions ne sont pas favorables à la résilience locale.

Tout est centralisé. Dans les conditions actuelles, la monnaie européenne est indispensable pour acheter à manger, pour se déplacer, pour se chauffer, pour accueillir, pour sauver.

Or pour obtenir ce « passeport de vie » que constitue la monnaie, il faut obligatoirement soit produire d’abord, soit prendre un crédit… auprès d’une banque qui le créera de toutes pièces, exigeant intérêt et principal en retour.

Cette exigence de toujours rendre PLUS exige de tous les agents, qu’ils soient privés ou publics, d’obtenir à tout prix une croissance permanente, exponentielle et infinie.

Conclusion

Toutes ces données sont complexes.

Les ramifications du système monétaire et financier actuel touchent nos sociétés au plus profond, nos vies quotidiennes et la vie de nos entreprises et collectivités.

L’endettement généralisé de l’ensemble des institutions et États de la planète, du niveau le plus global au niveau le plus local, provient évidemment de là. En comprenant tous ces mécanismes, il devient facile de comprendre que « la dette », c’est en réalité la monnaie elle-même, et que son remboursement est intrinsèquement et mathématiquement impossible.

Les solutions, les alternatives justes, équitables, pérennes et équilibrées sont nombreuses.

Des monnaies locales aux Systèmes d’Échange Locaux, en passant par l’autonomie et les énergies locales, il est possible, peut-être pas de se passer de monnaie, mais en tous cas, dans des conditions difficiles éventuelles (fermeture des banques, condamnation des distributeurs de billets, interruption des circuits monétaires, assèchement du crédit…), il est possible de conserver des conditions acceptables pour les populations, et ainsi de préserver le calme et la paix.

Initier des recherches locales, mettre en place des systèmes de comptabilité mutuelle alternatifs, imaginer de nouveaux moyens de paiement pour les employés municipaux et la police de proximité, organiser des systèmes de crédit et de financement locaux, reposant sur des partenariats efficaces et solides entre les citoyens et les institutions. Bien des stratégies sont à votre disposition.

Il suffit qu’en amont, dans le calme et la sérénité, les précautions nécessaires aient été prises, l’indispensable travail d’information et d’éducation mutuelle ait été effectué, et les systèmes alternatifs résilients aient été prévus.

Gérard Foucher